Oser être soi, oser être avec les autres

amandinelazaron 29 avril 2022 2 Comments
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es RH sont depuis plusieurs années soumis à des sollicitations de plus en plus nombreuses et complexes, relatives aux attentes légitimes des salariés quant à la relation qu’ils entretiennent avec leur entreprise. Équilibre des temps de vie, respect des diversités et bien sur qualité de vie au travail sont autant de sujets qui animent les services RH en relation avec la direction et le corps managérial.

Patrick ScharnitzkyLe point commun de ces trois sujets est celui du bien-être au travail, c’est-à-dire la capacité de chacune et chacun de simplement se sentir bien dans le cadre professionnel. Et ce bien-être a été peu abordé sous l’angle pourtant le plus important, celui de l’identité et de la reconnaissance de la place qu’on occupe dans les murs de l’entreprise.

Nous proposons dans le livre Etre soi en entreprise : estime, confiance, engagement, et reconnaissance(éditions Mardaga) un modèle circulaire du bien-être au travail en cinq étapes. Il propose de relier ces différentes dimensions avec en son cœur, le principe de reconnaissance des identités, des compétences, des efforts et des résultats. Ce modèle est présenté dans l’illustration ci-dessous.

 

ÉTAPE 1. L’identité professionnelle : le bien-être identitaire repose sur un équilibre dit « unicité/partage ». L’entreprise doit satisfaire deux besoins a priori contradictoires. Reconnaître d’une part l’unicité de chacun car nul ne souhaite être confondable et cet enjeu est de plus en plus fort à mesure que l’entreprise s’ouvre à toutes les diversités. Mais dans le même temps, l’entreprise est un écosystème qui fonctionne sur une culture nécessairement partagée. Il faut donc aussi satisfaire un besoin d’identité sociale, c’est-à-dire de se sentir appartenir à l’entreprise avec la même intensité qui que l’on soit (diversités, statut hiérarchique) afin de générer de l’engagement. C’est cet équilibre entre ces deux besoins identitaires qui constitue une forme de bien-être et un sentiment d’appartenance fort sans conformisme subi. Cela passe par exemple par un management individualisé et des actions de communication qui représentent les salariés dans leur entièreté.

 

 

ÉTAPE 2. L’estime du soi social : ce bien-être identitaire est la condition nécessaire à la possibilité d’avoir une « estime du soi social » à minima satisfaisante et dans l’idéal positive. Si l’estime de soi renvoie aux caractéristiques personnelles (compétences, réussites personnelles, …), l’estime du soi social concerne la façon dont on peut accéder à une image de soi positive par le biais des groupes d’appartenance dans l’entreprise. Il est donc nécessaire de créer un climat non stigmatisant et respectueux de tous les groupes quels qu’ils soient. Cela concerne bien sur les diversités sociodémographiques (le genre, l’âge, l’origine, la religion, l’orientation sexuelle, …) mais aussi les groupes professionnels, les métiers, les rangs et les fonctions. Pour ce faire, il est nécessaire de lutter contre les stéréotypes et contre toutes les discriminations, dans les intentions des dirigeants, dans les process RH de recrutement et de gestion des carrières et dans la capacité des managers à être inclusifs au quotidien.

ÉTAPE 3. La confiance en soi, dans les autres et dans le système : la confiance est un préalable indispensable à l’engagement car comment oser dans le cas contraire ? La confiance est, entre autres, conditionnée à cette estime de soi social. Le sentiment de rejet, légitime ou non, sur la base des stéréotypes ou de toute discrimination implicite ou explicite génère une incapacité à être en confiance dans l’organisation et provoque des attitudes en miroir. Sans la confiance on se désengage, on s’autocensure, on s’assimile aux normes pour se faire accepter ou rentre dans une posture de confrontation systématique pour signaler son refus du rejet dont on fait l’objet. La confiance ça ne se décide pas, ça se gagne avec le temps, par la cohérence des décisions stratégiques de l’entreprise pour rassurer, par la pédagogie des managers pour expliquer et par des dispositifs RH pour accompagner.

ÉTAPE 4. L’engagement et la performance : une fois en confiance, on peut oser être soi, être disruptif, proposer, et aller vers les autres. Toutes ces postures sont les clefs de l’innovation tant espérée par toutes les entreprises. Plus la société et les enjeux économiques changent, et ce de plus en plus vite, plus l’entreprise est face à un défi darwinien d’adaptation à ces changements. Et le changement passe nécessairement par la capacité à oser. L’engagement se stimule par des challenges proposés aux salariés, par des dispositifs d’intrapreneuriat, ou encore par le droit à l’erreur. Et au niveau RH, l’engagement se pilote par des outils de mesure de l’engagement et par des dispositifs de montée en compétences et de développement personnel.

ÉTAPE 5. La reconnaissance sociale : si l’entreprise est arrivée à cette cinquième étape, elle joue toute la réussite du modèle sur la reconnaissance. Car sans reconnaissance suffisante, la circularité qui unit ces différentes dimensions ne se réalimente pas. Un salarié qui ressent ne pas être reconnu est impacté dans son identité (sentiment d’exister et d’être utile dans le regard des autres), dans l’estime de soi et du soi social (comment imaginer avoir une image de soi positive si les efforts ou les résultats ne sont pas récompensés d’une façon ou d’une autre ?), et enfin dans la confiance. Ce noyau atomique du modèle qu’est la reconnaissance se décline à quatre niveaux : la reconnaissance des personnes, des compétences, des efforts et des résultats (brun et Dugas, 2005).

 

Et surtout, elle ne doit pas être que matérielle. On reconnaît bien sûr par le salaire, des primes ou des avantages en nature mais il faut soigner également toutes les formes de reconnaissances implicites. Les saluts, les remerciements, l’identification informelle des engagements de chacun sont autant de marques de reconnaissance indispensable. Elle se joue à tous les étages de l’entreprise : la proximité des dirigeants, des outils RH d’équité de traitement, la posture managériale et la communication.

Le bien-être au travail n’est pas un luxe. Il est devenu une condition nécessaire à la réussite des entreprises parce que le rapport au travail et au temps a changé, parce que les appétences des salariés ont changé, et parce que l’entreprise ne peut pas faire l’impasse sur les évolutions sociétales. Permettre à chacune et à chacun d’oser être soi et d’oser être avec les autres est la clef de l’intelligence collective. 

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