Osez le leadership collectif !
C
e qu’on qualifie aujourd’hui de « leadership » n’est souvent rien d’autre qu’un ensemble destructeur de comportements et d’attitudes obsolètes qui font souffrir les individus et les collectifs de travail. Forte de cette conviction, Céline Schillinger explore les opportunités qui se présentent de réinventer ensemble le leadership dans un pilotage collectif fondé sur les principes de liberté, d’égalité et de communauté.

Céline Schillinger – Founder and CEO
Après 10 ans de carrière sur le continent asiatique et 17 autres au sein de la division vaccin d’une grande multinationale française — dans diverses fonctions, en France et aux États-Unis —, Céline Schillinger a fondé We Need Social dans l’activisme d’engagement et le leadership relationnel. Alors qu’elle publie Dare to Un-Lead — The Art of Relational Leadership in a Fragmented World, elle était l’invitée de Htag, la nouvelle Communauté d’inspiration sur l’humain au travail, pour une masterclass et un débat avec quatre DRH d’organisations certifiées Top Employers : Julie Thomas (Gaming1), Audrey Van Impe (SPIE Belgium), Julien Balistreri (Ethias) et Raphaël Lefere (Sibelga).
Sur base de sa riche expérience (à découvrir plus en détails dans Htag n°2 de juillet et août 2022), Céline Schillinger encourage les entreprises à mobiliser le talent disponible plutôt que le restreindre. « En visant l’efficacité, les organisations cherchent l’alignement et amènent l’homogénéisation, ce qui réduit les potentiels à une espèce de norme un peu moyenne, où les gens sont interchangeables, observe-t-elle. Mais le monde a changé. Ce mode d’action qui a fonctionné ne marche plus aujourd’hui. Et il ne faut pas être jeune pour ne pas s’y reconnaître. »
Malheureusement, les entreprises, elles, n’ont pas changé. « Et elles, c’est nous, pointe-t-elle. Nous avons gardé des réflexes datés, en particulier en matière de leadership. » Ainsi, le leadership demeure attendu d’une personne : cette personne — plutôt un homme — très charismatique, souvent le plus assertif, quelque peu héroïsé. « On se retrouve alors avec des leaders à l’ego surdimensionné, qui n’écoutent personne et entraînent tout le monde vers la chute. Puis, on en recherche un autre… pareil. Ce qui est finalement pratique et assez confortable. Car, au fond, si l’on se cherche un leader exceptionnel, et qu’il se plante, on peut dire que c’est sa faute. Ce qui nous exonère de notre responsabilité individuelle. »
Trois chemins
Pour réinventer le leadership afin qu’il soit plus respectueux des intérêts de l’entreprise et de ceux des personnes, Céline Schillinger propose trois chemins, chacun incarné dans une valeur. La liberté, tout d’abord. « La liberté permet aux individus d’exercer leur jugement,de développer leur pouvoir d’action, explique-t-elle. La liberté collective commence par un processus d’émancipation individuelle. Être un agent de changement implique certaines conditions et conséquences dont il faut être conscient. Pour étendre la liberté à grande échelle, un autre type de leadership est nécessaire : le leadership émancipateur, qui place des principes nouveaux, parfois contre-intuitifs, au cœur des pratiques managériales. » Exemple ? Peut-on encore considérer que la personne en haut de la hiérarchie sait mieux que celle qui est en bas ? « Elle sait autrement, différemment, mais pas mieux, illustre-t-elle. Chacun est expert dans son propre contexte. Ce qui fait le savoir, aujourd’hui, c’est la connexion entre les perspectives. »
Les deux autres chemins proposés ? L’égalité — avec un fonctionnement en réseaux permettent de nouvelles pratiques de travail collectif efficaces et un leadership entre pairs — et la fraternité — au travers d’un activisme d’entreprise qui permet la formation de communautés d’intention et d’impact, autour d’un engagement partagé pour une cause commune dans un mouvement militant. Ils sont largement présentés dans le livre, toujours dans cette idée d’un leadership non pas centré sur des compétences individuelles, mais comme capacité collective. Ce qui le favorise ? « Les capacités relationnelles, et donc aussi émotionnelles. Bref, tout ce qu’on essaie de réprimer dans le milieu du travail ! »
- Texte : Christophe Lo Giudice
- Photos : Aurore Delsoir
Pour en savoir plus et découvrir le débat entre Céline Schillinger et les quatre DRH des Top Employers, lisez l’article « Oser le pouvoir d’agir », dans le magazine Htag n°2 des mois de juillet-août 2022. Vous n’avez pas encore adhéré à la Communauté d’inspiration sur l’humain au travail ? Contactez Pascale Lenaers (pascale.lenaers@references.be) qui vous communiquera les conditions pour la rejoindre, ne manquer aucune de ses initiatives et recevoir son bimestriel.