Toute entreprise doit cultiver l’Art de se (la) raconter

L
e storytelling n’est pas un mot de « plus » dans la panoplie des mots de la communication externe et interne, du marketing et des RH. Car il s’agit avec le storytelling non seulement de produire un récit mais de convaincre par des arguments plus sensibles que ceux de la seule raison.

Georges Lewi, spécialiste du storytelling, consultant marque et marque-employeur, et auteur d’une quinzaine d’ouvrages, dont L’art de se (la) raconter, Editions Mardaga, 2021.
Convaincre de quoi ? Pour un candidat à l’embauche qu’il est le meilleur pour le poste, pour une entreprise qu’elle est la plus à même de satisfaire les futurs candidats. Car la tâche est difficile. Les nouvelles générations, les « Z » ont été biberonnées aux réseaux sociaux, aux séries, à Netflix. Depuis « toujours », ils ont compris comment se mettre en scène, comment se rendre « attractifs » pour s’attirer followers et estime ; ils l’ont appris « naturellement » en ingérant le contenu des séries écrites par les meilleurs scénaristes. Or les entreprises sont souvent en retard par rapport à cette jeune cible.
Convaincre comment ? En passant du monde ancien de l’information à celui de la conviction, on glisse de la description chiffrée (le nombre de salariés, de m2, de magasins…) à l’anecdote qui fera mouche, à l’image qui restera, à l’émotion comme support instinctif à l’action. Voir un grand cuisinier « cultiver son jardin » d’épices (même si le public sait bien que ce petit bout de jardin ne pourra pas fournir tous les besoins du restaurant, se promener dans les champs de la Gacilly d’Yves Rocher (même si…), dialoguer directement avec le « chef » qui vient à votre rencontre lors d’un diner gastronomique… crée plus d’émotion (et par conséquent de mémorisation et d’engouement) que les meilleures descriptions. Pourquoi lors de ces terribles (pour tout le monde) entretiens d’embauche ne pas ouvrir une parenthèse ? Aller à l’atelier « toucher » un métal rare, raconter l’anecdote de ce client abandonné par toutes les compagnies d’assurance et repêché par votre compagnie, voir si votre DG n’est pas disponible pour venir serrer la main et dire un mot à « votre » candidat, sortir de votre besace une anecdote personnelle lorsque vous avez rejoint la compagnie ?
Convaincre pourquoi ? Pour réussir votre embauche, bien-sûr, mais surtout pour faire ressortir le « combat » de votre entreprise, combat qui rejoindra (si la présélection est bonne) celui de votre candidat. Car les nouvelles générations, comme les « stories » des séries, ont soif de combats sociétaux qui sauveront peut-être le monde. Le storytelling, celui des récits fondateurs, des séries et celui de votre entreprise est toujours celui d’un combat fondamental contre un fléau qui menace l’humanité. C’est ce combat que votre entreprise a su adapter à son marché. Et elle peut le gagner (mieux que ses concurrentes) car elle possède un « adjuvant », une aide précieuse et spécifique, une preuve qui fait votre différence : votre patron, un brevet non copié, une qualité rare prouvée à chaque instant, une histoire singulière…
Le schéma dit « narratif » (ci-dessous) est la base de la structure de votre récit dans la communication de la marque commerciale ou RH. Vous devez en tirer profit et « vous la raconter » car « votre » synthèse narrative est le ferment de la plus évidente des convictions collectives. Selon Yuval Harari [1], le storytelling aurait permis à notre espèce, Sapiens, bien mal partie, de survivre et de se développer.

Schéma narratif. In L’art de se (la ) raconter. Editions MARDAGA.2021. Page 36.
Un récit « efficace » (qui a été mémorisé à travers les millénaires) se déroule toujours de cette façon selon les linguistes qui ont travaillé sur les légendes et mythes toutes origines. Un être humain raconte une histoire à un autre être humain. Il lui conte l’histoire d’un héros (votre entreprise), de son combat, du fléau que le héros doit vaincre et de sa preuve « magique » qui lui assurera la victoire pour sauver la situation. Il existe une vérité des mots, à condition qu’ils soient justes et qu’on puisse apporter des preuves de la promesse émise.
Ce travail doit être aussi rigoureux qu’un process de fabrication car la fabrication d’un récit est la condition sine qua non d’une cohésion d’équipe.
Georges Lewi, spécialiste du storytelling, consultant marque et marque-employeur, et auteur d’une quinzaine d’ouvrages, dont L’art de se (la) raconter, Editions Mardaga, 2021.
[1] Yuval HARARI. SAPIENS. Une brève histoire de l’humanité. ALBIN MICHEL. 2015